Impossible n'est pas Rebelle !

Les Brestoises ont fait chavirer une Arena enamourée durant les soixante dernières minutes de la saison à domicile et ont infligé à Metz sa première défaite (26-24) en Ligue Butagaz Énergie en 2021-2022. Malgré un effectif miné par les absences, mais avec une Agathe Quiniou resplendissante dans les cages, elles ont fait preuve d’une volonté et d’une hargne remarquables pour faire trébucher leur meilleur ennemi dans la première manche. Il reste maintenant soixante minutes au BBH pour conserver son titre et le combat s’annonce très rude en Moselle dimanche. Mais avec ces filles, plus rien ne nous étonne.

« Vous n’allez pas me faire dire que la finale est déjà réussie ». Avec l’œil malicieux et un petit sourire, Pablo Morel, qui avait vu arriver la question, n’est pas tombé dans le piège. Et il n’a pas vraiment eu besoin de se forcer. Il venait de vivre au premier plan le genre de prestation qu’un coach rêverait de voir chaque semaine. « Avec ce résultat, tout est possible maintenant ? » lui a-t-on également demandé. « Mais même avant ce match tout était possible ! corrigeait-il. Les filles n’auraient jamais pu réaliser cette performance si elles n’y avaient pas cru avant. Ça nous donne de l’espoir et de la force même s’il va falloir gérer le temps entre l’aller et le retour. C’est complexe, on l’avait vécu contre Gyor. J’aimerais qu’on arrive à enchaîner deux rencontres de qualité sur cette finale. On doit véhiculer de l’ambition. Si on commence à se dire qu’on a rempli nos objectifs après ce match… » Ne comptez donc pas sur le groupe brestois pour s’arrêter à cette soirée extraordinaire venue clôturer la saison à domicile, les bises et les cadeaux pour les partant(e)s et une énorme communion avec le public. Brest n’a rien gagné encore mais il faudra des Messines déterminées pour passer sur le corps de ces Rebelles au grand cœur. « Je ne vais pas sauter au plafond avec cette défaite, je ne peux pas non plus avoir la gueule de bois parce que, je l’ai dit aux filles, on n’a pas perdu le titre ce soir, résumait un Emmanuel Mayonnade pas non plus fâché de ne repartir du Finistère qu’avec deux unités de retard. On est moins bien embarqués que Brest qui commencera le match dimanche avec un avantage. Mais le résultat du jour nous convient parce qu’on aurait pu en prendre davantage à un moment. On a deux buts de retard après l’aller avec la perspective de soixante minutes à la maison ». Les Lorraines ont semblé par moments au bord de la rupture en seconde période, comme peut-être sonnées par une fin de premier acte avalée par les Rebelles (10-13, 24e ; 14-14, 30e). La bascule qu’attendait le coach messin, quand sa formation faisait la course en tête, n’est jamais arrivée, la faute à l’abnégation brestoise, et tout a été relancé. « On a senti très vite qu’on ne faisait pas la même entame que la dernière fois, même si le score n’était pas en notre défaveur à ce moment-là, rembobinait Emmanuel Mayonnade. Je sentais qu’il nous manquait quelque chose et les Brestoises sont revenues progressivement pour égaliser à la pause ».

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C’est peut-être cet instant charnière dans la partie qui a fait prendre conscience au BBH que tout était possible. Les deux Scandinaves Tonje Loseth et Jenny Carlson carburaient au super, Coralie Lassource se démenait sur la ligne arrière et c’est toute une salle qui se mettait à porter ses chéries vers leur exploit. « Il y avait une atmosphère incroyable dès le début, poursuivait le coach brestois. Cela fait six matches qu’on est à guichets fermés. La dernière fois contre Metz, on était à moins 12, le public était debout à nous applaudir. Il se passe quelque chose… » Appelons cela un échange de bons procédés tant le don de soi est maximal sur le terrain et dans les tribunes. Mais pour réaliser de telles performances, il faut aussi des joueuses de talent et l’une d’entre elle a parfaitement su saisir l’opportunité qui se présentait à elle. Testée positive au Covid la veille, Cléo Darleux était à l’isolement. Agathe Quiniou ne s’est ensuite pas fait prier quand Pablo Morel a fait appel à elle au relais de Sandra Toft en première période. « Ça ne sert à rien d’avoir des joueuses si on ne leur donne pas leur chance, expliquait le coach du BBH. À l’entraînement, Agathe est capable de faire de très bonnes perfs mais ce n’était pas encore le cas contre les grosses équipes. La défense l’a mise en confiance et elle a eu cet état de grâce qu’ont les sportives de haut niveau parfois. C’était son dernier match à l’Arena avec Brest. Je suis très content pour elle ». En larmes après la partie, submergée par ses émotions, « Agathe the power » pourra se dire qu’elle a réussi sa sortie dans cet écrin qui l’a vue grandir. Et énormément compliqué la tâche de Messines qui ne s’y attendaient peut-être pas. Des arrêts d’un côté donc, de l’autre le sang froid d’Alicia Toublanc à 7 mètres et l’apport hyper précieux de Sladjana Pop-Lazic, en mode ramasse-miettes, permettaient au BBH de mettre la main sur le match (20-17, 46e ; 23-20, 54e). « Et on aurait pu prendre plus cher », ajoutait Emmanuel Mayonnade. Déchaînées, les Brestoises faisaient oublier que beaucoup de leurs coéquipières avaient suivi ce match en civil. Kali Niakaté, Monika Kobylinska, Djina Jaukovic, Aïssatou Kouyaté ou Cléo Darleux n’étaient pas disponibles, excusez du peu ! Mais quand le cœur et la tête sont au rendez-vous, tout est envisageable.
 
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« Nos valeurs, on les connaît, c’est le don de soi, l’abnégation, être au service du projet, avoir le sens du sacrifice et la capacité à envisager tout ce qu’on fait de manière collective, énumérait Pablo Morel. Pour résumer, ce n’est la faute de personne mais la responsabilité de tout le monde. Et je pense que notre public se reconnaît en ça ». Au jeu des décibels, on peut deviner que les 4 111 acharnés présents à l’Arena ont effectivement validé tout ça. Et si certains pensaient à un éventuel excès de certitudes des Messines avant la rencontre, leur entraîneur balayait vite l’hypothèse : « En arrivant ici, vous pensiez vraiment que les douze buts d’écart d’il y a quinze jours seraient un capital énorme pour la confiance ? On a vu que ça ne valait rien. Dimanche, on va devoir faire un match un peu plus sérieux, mettre davantage de liant entre nous. Je trouve qu’on a manqué de connexions et de maîtrise. Cela fait un moment qu’on se bagarre pour recevoir au retour sur la finale. On y est, j’espère que ça servira à quelque chose ». Car oui, il reste bien soixante minutes aux Rebelles pour conserver un titre et ce ne sera pas une sinécure aux Arènes de Metz dimanche. Pablo Morel balançait ainsi entre la joie d’un premier acte abouti et la nécessité de vite se projeter vers la suite : « Cette finale est un peu à l’image de notre saison, avec des blessures, des déconvenues, mais aussi du plaisir, des émotions, du combat. À nous d’être égaux à nous-mêmes, de montrer qui on est et d’aller au bout des choses ». Avant de lancer un avertissement : « Quand on bouscule un peu Metz, il faut s’attendre à un retour de bâton ». Mais impossible n’est pas Rebelle, si ?

BREST BRETAGNE HANDBALL – METZ HANDBALL : 26-24 (14-14)
BREST BRETAGNE HANDBALL : Toft (g.), Quiniou (g.), Mauny (3), Toublanc (6), Fauske, Kromoska, Lassource (3), Lagattu, Pop-Lazic (3), Foppa (1), Loseth (4), Carlson (5), Coatanéa (1), Jarrige. Entraîneur : P. Morel.
METZ HANDBALL : Kapitanovic (g.), Halter (g.), De Paula (1), Valentini (2), Zaadi (2), N’Gouan (2), Nocandy (2), Horacek (2), Bont (3), O. Kanor (3), Burgaard (5), L. Kanor (1), Bouktit (1), Cardoso. Entraîneur : E. Mayonnade.

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